Groupe Alternative Écologiste et Sociale

« Femme », le synonyme de victime ?
Peu reconnue par la justice
Les violences conjugales désormais à la une de l’actualité nous rappellent que pour plus de 220 000 femmes en France, leur foyer dans lequel elles ont parfois fondé bien des espoirs, constitue davantage une jungle inextricable de tourments – pour ne pas parler d’enfer au quotidien – que le socle protecteur censé servir de tremplin à une dynamique de vie et à l’aspiration légitime d’épanouissement personnel.
Ces situations inacceptables le sont encore plus quand un homme mis en examen pour le meurtre de sa conjointe, en décembre 2018, est laissé en liberté sous contrôle judiciaire ! ! ! Cet exemple démontre le peu de considération que certains magistrats ont vis-à-vis des femmes.
Certes, l’Inspection générale de la justice dans un rapport récent vient de relever des manquements flagrants dans le fonctionnement de notre système judiciaire face à ces drames : dans 41 % des 88 homicides conjugaux étudiés, la victime s’était déjà signalée et plus grave encore 80 % des plaintes transmises au parquet ont été classées sans suite ! Dans 1 cas sur 2, l’auteur de violences, qui a été condamné, récidive dans les trois ans suivant sa condamnation, sous la forme d’un homicide ou d’une tentative d’homicide sur la même victime. Ce chiffre est à mettre en comparaison avec le fait que seul 1/3 des hommes condamnés ont fait l’objet d’un suivi socio-judiciaire.
Alors vite des changements radicaux
Dans ce contexte, les propositions des groupes de travail du Grenelle des femmes victimes de violences doivent converger avec pour seul objectif de garantir une réactivité immédiate de l’ensemble des acteurs impliqués dans la prévention des féminicides.
Il est urgent que dans tous les commissariats des protocoles d’accueil des victimes posant une présomption de crédibilité des témoignages soient institués, sans naturellement porter atteinte à la présomption d’innocence. Aussi, le parquet doit être systématiquement informé avec des dépôts de plaintes automatiques et tous les freins au recours d’une ordonnance de protection levés sans oublier que le meurtrier d’une femme ne peut bénéficier de peine alternative à la prison.
Il est également fondamental de garantir une protection efficace des lanceurs d’alertes, qu’il s’agisse des voisins ou des médecins tenus par le secret médical.
Les agresseurs doivent automatiquement faire l’objet d’un suivi socio-judiciaire, suffisamment long et intense pour provoquer un électrochoc définitif afin d’éviter toute récidive et les services pénitentiaires d’insertion et de la prévention doivent veiller au respect des interdictions.
Le maintien dans son lieu de vie de la femme doit être garanti, si elle le souhaite, et elle doit pouvoir bénéficier d’un droit prioritaire à un logement adapté aux besoins de son foyer dans le quartier de son choix. Enfin, quelle que soit la pertinence des procédures et dispositifs sur le papier, nous devons, à l’image de l’Espagne qui a acté un budget d’un milliard d’euros sur cinq ans, avec pour résultat une baisse significative des féminicides, allouer des moyens financiers à la hauteur des enjeux. Les associations spécialisées telles que le CIDFF, l’AFED, l’ADAVIP et L’ESCALE à Nanterre doivent en être les principaux bénéficiaires.
Au-delà de ces mesures, nous devons rester mobilisées pour que se formalisent tous ces changements porteurs d’espoir d’une société solidaire, à l’écoute des souffrances des plus vulnérables d’entre nous dans le respect de l’intimité de chacunE.
Samia Kasmi et Odette Siméon-Puyfagès