Le 14 mai dernier, Christelle François recevait le premier prix du concours de nouvelles lancé par Les Petits Pavés, la librairie du théâtre du Lucernaire. Les lecteurs pourront la découvrir dans un recueil publié par les éditions L’Harmattan. Arronde six, la nouvelle de Christelle, est une dystopie qui plonge une jeune héroï__ne dans un Paris postapocalyptique. Les confinements liés au Covid lui ont servi de déclencheur, comme ce fut le cas pour beaucoup d'artistes. « Lors du deuxième confinement, je me suis lâchée, j’ai écrit une nouvelle intitulée La Plage et, pour la première fois, je l’ai envoyée à un jury de concours. » Ce texte sensible et féministe est récompensé par le Grand Prix de la nouvelle George Sand. Galvanisée, Christelle publie dans la foulée un nouveau texte rendant hommage au maire d’une petite ville d’Italie qui a accueilli des migrants en dépit des condamnations de l’État.
L’écriture, son alliée
« J’ai toujours écrit pour moi. J’ai commencé quand j’ai perdu ma mère, à l’âge de 9 ans. Ensuite, j’ai suivi des études de lettres modernes avant de me tourner vers le spectacle vivant. » Christelle est passée par une classe préparatoire dans un lycée parisien avant d’arriver à la fac de Nanterre en pleine vague de protestation contre le projet de loi Devaquet, au milieu des années 1980. « Je militais à l’Union des étudiants communistes, j’ai le souvenir de beaucoup de manifestations, suivies de grandes teufs ! » À l’époque, elle se décrit comme une « punk peureuse » qui écoute les groupes Pigalle et Bérurier noir, mais aussi Lavilliers et Ferrat. Contrairement à certains camarades, elle préserve son hygiène de vie pour passer un diplôme d’État de danse contemporaine.
De la culture dans tous les quartiers
Devenue professeure de danse à 23 ans, elle fonde le collectif Sangs mêlés à Nanterre. Très vite, avec le soutien des services municipaux de la jeunesse, de l’éducation et de la culture, son association propose des cours de danse, de théâtre, de chant… dans tous les quartiers. « C’était une sorte de “conservatoire bis”. J’encadrais une dizaine d’intermittents du spectacle qui dispensaient les cours et participaient à mes créations. » De 1991 à 2010, les habitants suivent le travail artistique de Christelle au festival Parade(s), pour l’ouverture de la Maison de la musique, lors de la Semaine de OUF… Aujourd’hui, Christelle a élargi son champ d’expérimentation. « Avec Sangs mêlés, je continue de présenter des spectacles vivants qui tournent en dehors de Nanterre : j’ai un solo de danse et je propose du théâtre d’intervention avec Les Zôtesses. ». Ces Zôtesses sont des personnages « poil à gratter, insolentes, drôles » qui, quelque part, lui ressemblent !
Artiste touche-à-tout
À 56 ans, la Nanterrienne photographie aussi des femmes, qu’elle pare d’accessoires et de costumes très colorés. « J’essaie de mettre en scène l’énergie de ces femmes aux parcours de vie cabossés. Je les ai rencontrées par l’intermédiaire du centre social et culturel Hissez haut et du service jeunesse. » Ses clichés ont récemment été exposés à la Maison des femmes de Nanterre et dans le hall de l’hôtel de ville. Touche-à-tout, elle multiplie les expériences artistiques. En ce moment, son nom figure au générique de La Dernière Reine, un film sorti au cinéma en avril, réalisé par Damien Ounouri et Adila Bendimerad. Cette dernière est une ancienne élève de Sangs mêlés. Elle a fait appel à Christelle sur le tournage en Algérie. « Adila réalise le film et joue le personnage principal. Elle m’a demandé d’être script doctor corporel pour l’aider à se mouvoir devant les caméras. J’ai été sa prof de danse, elle avait besoin de reprendre possession de son corps. »