Nanterre info - 482 : Mars 2023

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Petite bio

13 déc. 1956
naissance à Châteaubriant (Loire-Atlantique)

1995
premières interventions théâtrales à l’hôpital de Nanterre

2002
premières représentations aux Amandiers avec les résidents du Cash

2005
installation de la compagnie Théâtre du bout du monde à Nanterre

2023
il quitte la présidence du Théâtre du bout du monde

Retour En avant

Portrait

Un saltimbanque humaniste

Philippe Guérin a relevé le défi fou de faire faire du théâtre à des personnes qui en étaient très éloignées. À la tête du théâtre du bout du monde depuis trente ans au Petit-Nanterre, le trublion tire sa révérence.

Quelques jours avant son pot de départ, Philippe Guérin se sent soulagé. « J’ai réussi à boucler le dossier de demande de subventions, je peux partir l’esprit tranquille. »

Une figure

Cela faisait deux ans que Philippe annonçait qu’il allait quitter la direction de la compagnie Théâtre du bout du monde, une fonction qu’il occupait depuis le début des années 1990, mais personne ne le croyait. Avec son bagout, son visage de clown et ses cheveux blancs en bataille, Philippe est aux yeux de beaucoup d’habitants du Petit-Nanterre une figure essentielle du quartier. Alors qu’il a surmonté il y a peu un méchant Covid qui a bien failli le mettre sur le carreau, Philippe ne peut pas disparaître comme ça du paysage. « Ne vous inquiétez pas, je ne pars pas en courant. » Après trente ans passés au Petit-Nanterre, le Breton jure qu’il n’a que des bons copains dans le quartier et qu’il passera les voir souvent. Il a toujours une blague, une digression amusante quand il croise les « collègues » de Zy’va, du GAO ou de l’association Nahda. « Moi, je n’ai que de la gueule, j’aime interagir avec les gens. » Aussi à l’aise et impertinent avec les élus qu’avec les familles, Philippe parle à tout le monde au Petit-Nanterre – et bien sûr aux résidents du Cash (centre d’accueil et de soins hospitaliers).

Sur les planches des Amandiers

« Je suis arrivé au Petit Nanterre en 1995. Une copine qui travaillait à l’hôpital m’avait demandé d’animer un atelier de théâtre à la maison de retraite du Cash. » Philippe, alors âgé de 39 ans, se pointe avec un nez rouge et se présente en « clown verbal » devant des personnes âgées abîmées par la vie. À la surprise du personnel, Philippe parvient à les distraire et surtout à libérer leur parole. Le saltimbanque ouvre son cœur et il est immense. Il est convaincu que chacun a « l’infiniment grand » en lui. Au Cash, il se tourne rapidement vers les résidents, des marginaux plus jeunes, des précaires tout aussi fracassés par la société qui ne veut pas d’eux. Il leur propose de faire du théâtre. En humaniste, il leur répète : « Tu es unique au monde et si tu n’es pas là, le monde sera bancal. » Philippe, marqué à vie par son expérience auprès d’Ariane Mnouchkine au Théâtre du soleil, considère que chacun possède en lui les ressources du jeu. Avec « la troupe du Cash », Philippe monte des pièces de Charles Juliet, de Jean-Claude Grumberg, de Lars Norén, de Shakespeare… Au cours des années 2000, le directeur du Théâtre du bout du monde sympathise avec le patron des Amandiers, Jean-Louis Martinelli, qui lui ouvre les portes de son théâtre. « J’ai un frisson quand je me remémore la rencontre entre les résidents du Cash et les comédiens qui interprétaient des alcooliques, des drogués, des psychotiques dans la pièce Catégorie 3.1 de Lars Norén. Les gars du Cash leur disaient comment jouer les personnages. » Durant dix ans, le théâtre des Amandiers programmera dans sa saison une pièce interprétée par les résidents et mise en scène par Philippe.

Au cœur du Petit-Nanterre

La compagnie du Théâtre du bout du monde, qui finit par installer ses locaux au Petit-Nanterre en 2005, se tourne aussi vers les habitants du quartier. «_ Avec Miguel Borras, mon complice de la compagnie, on est intervenus dans les écoles, au collège, au centre social Valérie-Méot, dans les fêtes de quartier… En 2008, on a monté un premier spectacle avec les habitants sous le chapiteau de Michel Nowak sur la place des Muguets. »_ Philippe a toujours défendu que la création artistique, le social et l’éducation sont les trois piliers dans un quartier populaire comme le Petit-Nanterre. Quand on l’invite à faire le bilan des trente ans passés dans ce quartier, il répond : « Je ne sais pas si j’en ai fait assez. Beaucoup me prennent pour un “allumé”. J’ai essayé de réveiller les gens, de les mettre en phase avec leurs aspirations de jeunesse. Excusez-moi, je sors les grandes phrases : j’ai tenté de restaurer leur dignité. »

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