Le costume ne présente pas de faux plis,
la coiffure et la barbe sont impeccables,
Abdelmadjid Benamara soigne son apparence. Et son langage. Le jeune homme est à l’aise
à l’oral, les mots sont précis et le ton énergique.
Ce Nanterrien de 26 ans nous raconte le parcours
qui l’a amené à signer un contrat nanterrien de
réussite (CNR) à la fin de l’année 2020.
Aîné d’une famille de cinq enfants, Abdelmadjid
a grandi dans le quartier Pablo-Picasso. « Mes
parents sont sourds et muets, mon père gagne le
smic et ma mère est femme au foyer. » En raison
du handicap de ses parents, le garçon a dû, très
jeune, faire face aux démarches administratives.
« À 10 ans, je servais d’interprète, je remplissais
les formulaires. Mes parents me désignaient avec
une pointe d’humour comme leur “avocat”. »
Élève sérieux et prié de montrer l’exemple à la
fratrie, il file droit à l’école Pablo-Picasso et au
collège Évariste-Galois, passe un bac littéraire au
lycée Joliot-Curie et s’inscrit en licence de droit
à l’université de Nanterre. « Le droit était une
évidence, devenir avocat est ma mission dans la
vie. Je “représente” mes parents depuis que je suis
enfant et plus généralement j’aime défendre les
autres. » Voir un ténor du barreau aux assises le
fait vibrer, confie-t-il. Abdelmadjid obtient des
mentions jusqu’en deuxième année de master et,
pour financer ses études, il décroche le Bafa. Ce
brevet lui donne la possibilité d’être animateur
à la maison de l’enfance au Petit-Nanterre, puis
surveillant au collège André-Doucet. En 2019, il
se présente au concours du barreau du tribunal
de Nanterre. « J’ai échoué, mais mon caractère
me pousse à ne jamais lâcher. J’ai travaillé dur
pour le repasser en septembre 2020. » Et cette
fois-ci, il est retenu et accède à la Haute école
des avocats conseils (Hédac). Une formation de
dix-huit mois qui le propulse vers la profession
d’avocat. « Si tout va bien, je prêterai serment en
2022 et j’ouvrirai mon cabinet d’avocat pénaliste
à Nanterre dans les dix ans à venir ! »
Néanmoins, à la rentrée, Abdelmadjid a un petit
caillou dans la chaussure… Comme ses derniers
mois ont été exclusivement consacrés aux révisions, il n’a pas pu travailler et économiser les
1 815 euros demandés par l’Hédac. « C’est à ce
moment-là que j’ai sollicité le service jeunesse
municipal pour savoir si je pouvais prétendre à
une aide. »
À la SIJ (Structure information jeunesse), Abdelmadjid est écouté et accompagné
par le référent du CNR mais son premier dossier
arrive trop tard. Pour autant, le référent ne
perd pas son contact car il croit en lui et en son
potentiel. Ils restent en lien et le jeune Nanterrien
patiente jusqu’à la session suivante, qui lui est
favorable. Abdelmadjid se voit alors remettre
une enveloppe de 2 100 euros pour payer ses
études, un nouveau Code Dalloz et sa future robe
d’avocat. Pour Abdelmadjid, réussir ses études
et faire carrière est tout à fait possible quand
on a grandi dans un quartier populaire. « C’est
trop facile de dire que la société française est
raciste et qu’on n’aura jamais accès aux métiers
d’avocat, de médecin, d’ingénieur… Plus j’ai de
diplômes et moins je me sens discriminé en raison
de mes origines maghrébines ou de mon adresse
postale. » Comme son modèle, le rappeur Kery
James, Abdelmadjid considère que le discours
victimaire est une impasse. « Aucune cité n’a de
barreau », voilà sa formule. C’est ce message qu’il
passera aux jeunes qu’il rencontrera dans le cadre
des contreparties citoyennes exigées par le CNR.
« Comme le service jeunesse me tend la main, il
me demande de donner en retour. Je serai très
à l’aise pour dire aux collégiens et aux lycéens
des quartiers que tout est possible quand on s’en
donne les moyens. »
Structure information jeunesse : 49, rue Maurice-Thorez ;
accueil.sij@mairie-nanterre.fr Tél. : 39 92.
Accueil sans rendez-vous du lundi au jeudi de 14h à 18h ; sur rendez-vous, de 10h à 12h.