UN SUJET EXCEPTIONNEL
Au cours de la longue période d’incertitude durant laquelle se succèdent arrêt de la production, reprise d’activité et enfin, fermeture définitive de l’usine en mars 2011, Cécile part à la rencontre des ouvriers. Avec un ami sociologue, Yann Le Lann, ils collectent des témoignages, immortalisent les bâtiments désertés et les machines à l’arrêt. « Le directeur chargé de gérer le démantèlement et la revente du site m’a ouvert les portes. Je lui suis très reconnaissante. Nous avons interrogé les salariés sur la manière dont ils avaient vécu cette période difficile. Beaucoup ont refusé de nous parler car c’était trop dur. »
Cécile participe alors aux ateliers municipaux d’arts plastiques et se passionne pour un nouveau moyen d’expression qui prend bientôt le pas sur la photo : le dessin. Dans son petit atelier de Colombes, elle passe de nombreuses heures à représenter au crayon, puis à l’encre noire et sépia, différents angles de vue de l’usine en plans larges ou serrés : la salle des pompes, le château d’eau, les sous-sols, des détails de machines... « Je voulais tout dessiner de la Papete et je ne pouvais pas tricher : j’avais l’œil des ouvriers derrière moi ! Je me suis aussi rendue compte que cette usine est belle, même si mon compagnon, qui a vécu à côté pendant son enfance, se rappelle surtout des odeurs nauséabondes l’été ! » De ce travail, naissent deux carnets, l’un en collaboration avec Yann Le Lann en 2014 (1), l’autre signé uniquement par Cécile l’année suivante (2). Ce « livre hybride », comme elle le qualifie, a reçu une aide à la création de la ville et mêle joliment dessins, photos, témoignages, réflexions personnelles et croquis débordant dans les marges. Lors des Assises pour la ville, en mars 2016, Cécile met en lumière la situation de la papeterie en exposant à l’Agora une toile imprimée, exécutée à partir d’un montage de photos et de dessins.
UNE CRÉATRICE PROTÉIFORME
En décembre, elle a organisé sa première exposition dans son deux-pièces du centre ancien et réfléchit maintenant à un deuxième événement dans un lieu plus adapté. Son souhait est évidemment de se faire connaître au-delà du territoire nanterrien et de vivre mieux grâce à sa production artistique. Si la jeune femme a décroché quelques emplois dans le domaine culturel (accueil à la galerie Villa des Tourelles et dans une galerie municipale à Houilles, animation d’un atelier photo pour la ville), sa situation reste précaire. Cependant, elle fourmille de projets, comme celui de se lancer dans la fabrication de papier. « Je n’en ai pas encore fi ni avec la Papete, assure-t-elle. Il faut que je rencontre la société qui a géré la fermeture, l’inspection du travail, des anciens salariés pour faire d’autres publications. » Seulement après, Cécile tournera la page et se plongera dans un nouveau sujet.
(2) Repeupler, la Papeterie de la Seine, images et paroles, 40 pages, 8 euros, en vente à la Société d’histoire de Nanterre et à l’Office de tourisme.