La seconde, il l’a rejointe à l’âge de 40 ans et elle a vu défiler les plus grands comédiens et metteurs en scène depuis 1680. Aujourd’hui, c’est une ruche où quatre cents personnes s’affairent chaque jour. Alain Lenglet nous en fait visiter les coulisses avant de nous faire monter dans sa loge au quatrième étage. Entré en 1993, il connaît tous les recoins et claque la bise à tous ceux qu’il croise, saluant la cheffe-coiffeuse dans la galerie des bustes puis un collègue comédien dans le bel escalier qui mène à la salle Richelieu. « Derrière le prestige de l’institution, il y a une vie normale comme dans une entreprise. Il manque juste la machine à café à chaque étage. Regardez, s’interrompt-il, c’était le fauteuil de Molière… » En vingt-trois ans de maison, Alain Lenglet s’est illustré dans des registres très variés. « Dans une même journée, il m’est arrivé de jouer dans un Molière, un Roland Topor et de finir par une pièce de Tchekhov. » Le sociétaire de la Comédie-Française a également joué au cinéma dans des films de Robert Guédiguian et dans un téléfilm réalisé par Mathieu Amalric. « Ma famille reste le théâtre », tient-il à préciser.
LES AMANDIERS POUR POINT DE DÉPART
Sa passion pour la comédie naît à Nanterre alors qu’il est adolescent. Tous les matins, quand il se rend au lycée Joliot-Curie, il passe devant le chapiteau provisoire où s’est installé Pierre Debauche, le fondateur du théâtre des Amandiers. « J’assistais aux répétitions. J’ai vu les premiers spectacles avec des comédiens comme Pierre Arditi, Patrick Chesnais ou encore Nicole Garcia. » Au lycée, il appartient à la troupe de théâtre menée par son ami Patrick Schmitt, aujourd’hui à la tête du théâtre de La Forge situé rue des Anciennes-Mairies. À 17 ans, Alain Lenglet annonce à ses parents qu’il quitte le lycée pour devenir comédien. « Ils ont compris. Mon père aime le théâtre. À l’époque, il faisait le lien entre les Amandiers et l’amicale des locataires qu’il présidait. Je me souviens qu’une fois les comédiens étaient venus jouer dans notre parking. » Le jeune Alain suit d’abord le cours Périmony, avant d’être reçu du premier coup au Conservatoire national supérieur d’art dramatique de Paris. La voie royale. Ses copains de promo s’appellent Ariane Ascaride, Catherine Frot, Jean-Pierre Darroussin et ses professeurs Pierre Debauche, Antoine Vitez, Marcel Bluwal.
À la sortie du conservatoire, le jeune comédien va de proposition en proposition : Daniel Mesguich l’appelle pour jouer au festival d’Avignon, puis il rejoint la troupe de Laurent Terzieff. En 1993, Jean-Pierre Miquel lui offre une place à la Comédie-Française. « Je n’ai pas hésité longtemps. J’aime la notion de troupe. Je ne vous cache pas que, plus jeune, j’avais l’image d’une maison bourgeoise un peu poussiéreuse. Au final, j’ai découvert une institution bien vivante, une troupe dynamique et une variété de rôles passionnante. »
Nanterre, il y remet les pieds de temps en temps, pour rendre visite à son père, Jean, qui a finalement quitté sa barre il y a trois ans. « Mon père a été meurtri par ce déménagement, je le comprends quand je me remémore les pique-niques et les parties de pétanque. Mais la résidence n’était plus le phare qu’elle était dans les années 60. Comme la plupart des grands ensembles, elle s’était considérablement dégradée. Je pense que sa démolition est dans l’ordre des choses. » Alain Lenglet profite de ses haltes à Nanterre pour aller voir jouer Nanterre 92 avec son père. « Une équipe et une ambiance géniales », commente-t-il. Il lui arrive aussi d’assister aux pièces de son ami Patrick Schmitt au théâtre de La Forge. « Aux Amandiers, ça fait un bout de temps que je n’y suis pas allé. Il faudrait que je prenne le temps d’y aller quand même ! »
Comédie-Française
1, place Colette
Tél. : 01 42 61 40 01