En 1968, Gilles Rhode a 20 ans. Étudiant en arts appliqués, il sérigraphie les fameuses affiches de l’atelier populaire des Beaux-Arts quand débarque un certain Dominique Houdart (1), à la recherche de volontaires pour monter une pièce sur la nuit des barricades. « Je me suis embarqué dans l’aventure, raconte Gilles Rhode. On a joué dans les facs et dans les usines pendant tout le mois de juin… C’était ma première expérience de théâtre de rue ! » Cinquante ans ont passé et le comédien n’a rien perdu de sa verve d’agitateur public. À l’invitation du festival Parade(s), il a retrouvé le texte écrit par Luc de Goustine dans la fièvre des « événements » et l’a réactualisé. Le premier tableau évoque notamment Notre-Dame-des-Landes, le sauvetage de migrants dans le Briançonnais… Sur fond de banderoles néoréalistes, les textes sont clamés par un chœur dont émergent sporadiquement un étudiant, André Malraux, un CRS, le général de Gaulle, un journaliste, un ouvrier… « Nous plongeons dans l’Histoire pour remonter à la source de la révolte », commente Benoît, l’un des comédiens. « C’est intéressant de réinterroger les slogans de Mai 68 dans le contexte actuel », ajoute Natacha. Cette professeure des écoles vit sa première expérience de théâtre. « Si on parvient à insuffler au public un peu de l’utopie de ces années-là, ce sera bien ! » Adrien, étudiant en licence à Nanterre, est un habitué de Parade(s) et de ses spectacles participatifs : « Les allers-retours entre passé et présent sont un peu déstabilisants au début, mais on se sent rapidement porté par la force du collectif. » Comme en 1968… ?
(1) En 1964, Dominique Houdart crée sa compagnie de marionnettes pour adultes devenue la Compagnie Houdart-Heuclin en 1969.